Zeitgeist Paris

Thursday, January 5, 2012

« Qui accepterait de risquer sa vie pour du café bio, des meubles recyclés et des panneaux solaires ? Les causes de notre temps nous paraissent aussi médiocres que notre existence : qualité de l’air, commerce équitable et biodiversité. Il n’y a pas là de quoi soulever les foules, si ce n’est pour leur promettre une vie tranquille, un air sain et des pelouses propres. »

Cet extrait d’Après La Défaite de Bruce Bégout est tiré de Zeitgeist, la prise de risque de Yan Céh. Rassurez-vous, il n’y est question d’aucun Saint Georges pourfendant un dragon d’hydrocarbure mais bien d’une croisade esthétique, habitée par la foi en l’écrit.
Un magazine se feuillette, se parcourt, s’oublie. Zeitgeist n’en est pas un, c’est une revue, conçue pour s’y plonger. On y découvre le manuscrit des Mots Bleus que Jean-Michel Jarre griffonna pour Christophe. D’abord des mots de guingois, à l’encre bleue, raturés, dansants désordonnés. L’encre a bavé, s’est imprimée à l’envers sur la page limitrophe. Les strophes arrivent. Puis l’une prend de l’ampleur, évidente : les mots qu’on dit avec les yeux, toutes les excuses que l’on donne, vous connaissez la chanson…
Si Zeitgeist propose une réflexion sur le langage, le mot n’y est pas exclusif ; d’ailleurs, Michel Houellebecq n’y est pas publié en tant qu’écrivain, mais comme dessinateur : son autoportrait est même analysé par Diana Widmaier Picasso. Dans une remarquable critique, elle fournit une clé, donnée par son illustre grand-père à Brassaï : « Pourquoi croyez-vous que je date tout ce que je fais ? C’est qu’il ne suffit pas de connaître les œuvres d’un artiste. Il faut savoir quand il les faisait, pourquoi, comment, dans quelles circonstances. »

Entre « faiseurs de revues » on se rencontre, et l’on troque ses bébés. J’ai remis Passion à Yan et il a eu la gentillesse de m’offrir Zeitgeist. Lorsque nous discutions, il fut interrompu par un coup de fil de Jean-Jacques Schuhl, l’écrivain culte qui lui a conseillé de se lancer dans cette aventure. Je le questionnai et il me le décrivit comme le véritable zeitgeist – l’esprit du temps. Un esprit dans tous les sens du terme, hantant le présent mais venant du passé, ou de l’avenir.

Pour clore ce post – vilain mot contemporain – je citerai le plus ancien collaborateur de Zeitgeist, un certain Charles Baudelaire dont voici un extrait de Fusées, datant de 1887 :

« Perdu dans ce vilain monde, coudoyé par les foules, je suis comme un homme lassé dont l’œil ne voit en arrière, dans les années profondes, que désabusement et amertume, et devant lui qu’un orage où rien de neuf n’est contenu, ni enseignement, ni douleur. Le soir où cet homme a volé à la destinée quelques heures de plaisir, bercé dans sa digestion, oublieux – autant que possible – du passé, content du présent et résigné à l’avenir, enivré de son sang-froid et de son dandysme, fier de n’être pas aussi bas que ceux qui passent, il se dit, en contemplant la fumée de son cigare : que m’importe où vont ces consciences ? Je crois que j’ai dérivé dans ce que les gens du métier appellent un hors d’œuvre. Cependant je laisserai ces pages, –  parce que je veux dater ma colère. »

Par Foucauld

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