Transition douloureuse

Thursday, January 2, 2014

emmerdeur-02-g

Pourquoi quitter les montagnes ? Depuis la vallée, les sommets enneigés s’offrent sous des angles moins familiers. Me tourneraient-ils le dos de mépris ? L’air vif est celui d’une dernière provision. Bientôt, j’entrerai en apnée. Quelque chose là-haut me rendait meilleur.
Une dizaine d’heure plus tard, le dernier accord retentit dans un bar parisien. Les lumières s’y rallument comme sonnent les cloches des cours de récréation. Je pédale dans la nuit, le dernier virage approche. Il ne viendra pas. La masse sombre d’un camion décide de battre de l’aile. La portière s’ouvre brusquement, je suis projeté dans la voie parallèle. Derrière, les voitures fondent sur moi comme des charognards. Je ramasse mon vélo, mes lunettes, et vais m’effondrer sur une barrière, le corps plié comme une serviette qui sèche. Je reprends mon souffle dans l’indifférence générale, palpe mes côtes meurtries, contemple les lambeaux de mon pantalon ouvert sur un genou sanguinolent. La nuit peut être une transition douloureuse.
Une auto me cueille au saut du lit pour me conduire à un canapé bruxellois. On m’apporte un Orval qui promet de me requinquer. Dehors, les gens déambulent avec l’air d’attendre le réveillon comme un second Noël païen. A l’heure dite, tout tonne dans le Manoir des Fils. Passion a fait le déplacement, les ardennais également. Les cliques de fêtards mélangent leurs styles distinctifs au son de la oï des Vilains. « Nous sommes des hooligans ! Belgique Hooligans ! ». Dans la cour, les fusées sifflent, les bouchons de Mathusalem pètent et les bises claquent. Il faut déjà partir. Les fêtards s’étirent, le groupe éclate. Comme le vers qu’un gamin tranche en petits bouts, nous continuons à évoluer distinctement. L’un prend le tram, l’autre cherche à s’incruster dans les fêtes croisées, et certains se perdent. Tôt ou tard, tous se retrouvent dans un duplex. Il y a là du rap, d’impudiques trios, de l’urine partout. Le propriétaire souhaitait-il la mort de son logement ? Toutes mes cartouches sont brûlées, la chasse est finie.
Le premier de l’an aspire toute vie des artères citadines. Il faut réactiver la pompe. Westmalle, chips goût bicky, gaufres fourrées, toutes les méthodes sont bonnes. Si les villes d’ailleurs nous offrent plus que ce que nous leur donnons, d’où vient ce vide en les quittant ? A quel moment leur laissons-nous un pan de nous même ? Sur la route du retour, les essuie-glaces ne chassent pas que la pluie. Le cœur est un organe qui a du mal à se régénérer.

Par Foucauld

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