Pirata

Friday, February 14, 2014

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Ôtons le bandana du Pirate, oublions sa barbiche, et ne gardons que le pur grimpeur. Pour cela, il faut prendre notre K-Way et contempler Marco Pantani dans le Galibier. Nous sommes en 1998. Sous une pluie battante et par quatre degrés Celsius, il y frôle le bitume comme l’ont traverse en patins un parquet ciré. Derrière, les autres s’embourbent. Alors Pantani continue à tirer son braquet dantesque, les pieds vissés dans une posture de ballerine. Marco l’Elefantino, ses airs de bête traquée, de chat famélique. Qui sont les gamins cruels qui lui ont fait des misères ? Pantani courbe le dos, et fuit, fuit vers la rédemption. Les épaules et le bassin bougent à peine, même lorsqu’il doit se maintenir en danseuse. Le col est passé, c’est la descente vers les Deux-Alpes. Tel un dogue, une moto le suit sans le lâcher. La caméra a remplacé les coureurs, cloués par ce temps d’Apocalypse. Avec neuf minutes d’avance, Marco Pantani trouve enfin l’abri de la ligne, qu’il rejoint les bras en croix. Ses paupières recouvrent ses yeux vides et c’est déjà fini. Sourire furtif sur le podium, l’œil noir malgré son maillot solaire, Marco Pantani n’a jamais été rayonnant dans la victoire. Il était de ces hommes dont on voudrait séparer la vie de l’œuvre. Est-ce pour palier à cela que chacune de ses échappées avait des airs de baroud d’honneur ? Comme si ce pouvait être la dernière.

Marco Pantani s’est définitivement échappé il y a dix ans, et ce matin j’ai fendu la pluie en pensant à lui.

Par Foucauld

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