Les grandes orgues

Thursday, June 21, 2012

Est-ce pour cadrer la musique que l’homme lui a dédié une fête ? Pour ne pas être en reste dans l’Empire du Bien, l’Église s’est emparée de ces agapes païennes en les portant à trente-six heures en Saint Eustache.
S’ils voulaient figurer sur l’affiche aux côtés de Fabrizio Moretti des Strokes ou Hey Hey My My, les musiciens devaient accepter une règle : interpréter une œuvre religieuse au cours de leur set. Sous deux spots d’une couleur dont on se sert d’ordinaire pour zigouiller les insectes, Flavien Berger laisse échapper un mantra, miaulement harmonieux qui rappelle ce que le chat d’Hippolyte Taine dit du chant des hommes : « jamais leur voix fade n’atteindra ces graves grondements, ces perçantes notes, ces folles arabesques, ces fantaisies inspirées et imprévues qui amollissent l’âme […] »
Une fumée vient chatouiller mes narines. Moins lourde que l’encens, elle lui emprunte pourtant son côté entêtant. Comme tous les membres du public, je suis placé dos à l’autel, face aux grandes orgues qui nous surplombent. Tandis que les chants d’oiseaux me font oublier la cour des miracles, je lève les yeux vers ce que l’homme savait bâtir lorsqu’il cherchait à s’élever. Je me plais à croire que c’est la démarche de Flavien qui souhaitait gravir le Mont Saint Eustache pour y lire les lignes du temps.

Par Foucauld

(Photo : Viviane Sassen)

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