Les chiens andalous

Tuesday, November 5, 2013

Un-singe-en-hiver-au-coeur-du-patrimoine-Vilerville_article_main

Dans les visages des femmes, je scrute leur singularité. Où est leur exotisme ? Dans ces sourcils ? Il y a les rondes chez qui l’on retrouve des traits à la Picasso, et d’autres plus sèches, comme les gitanes qui peuplèrent le Sacromonte. Il y a ici d’autres filles, au teint moins mat, aux yeux moins noirs. Des tatouages douteux recouvrent leurs corps par endroit. Les têtes se tournent à leur passage, et les regards descendent sur leurs croupes qui balancent sous les sarouels. A Rennes elles seraient teufeuses, autour de la Fontaine des Innocents punks à chien. Ici, sous le soleil clair et piquées par le vent sec, elles rejoignent les cabanes troglodytes des hauteurs de la ville, en portant à deux des cagettes de légumes glanés. Les guides touristiques qui passent sur leurs Segways les désignent en anglais comme des hippies, des « bohemian peoples », mais mon cœur balaye leurs propos réducteurs. On a les Esméralda qu’on peut. Parfois, une dreadlock vient s’échapper d’un chignon pour courir le long de leurs dos musclés, comme un serpent qu’une flute ferait danser. Malgré ma tête d’enfant sage et la posture guindée que j’affecte sans le vouloir en fumant un cigare, j’aimerais quitter le café et courir après elles sur le sol de galets, mosaïque rustique et géométrique qui ajoute à la poésie des ruelles. Les immeubles forment des meurtrières. Entre leurs dentelures, l’Alhambra apparaît en rappel lumineux. Ici, le luxe n’a rien de savoureux. On est plus riche d’une grande bouteille d’Alhambra sur un muret blanchi que de sa version en terrasse privée. Pour un peu, on s’en ferait des maracas, et l’on quitterait ses Nike pour battre la mesure pieds nus dans la poussière, danser avec les chiens andalous.

Par Foucauld

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