Le règne de l’étreinte…

Tuesday, March 6, 2012

Vous fouillez dans votre bibliothèque et sur Internet pour un projet, et tout se recoupe : Le Bardot Show et Louis Aragon, par exemple. Pour accompagner cette vidéo, il n’était pas raisonnable de poster davantage que cet extrait du Paysan de Paris, mais bon sang, quel texte parfait !

“Et brusquement, pour la première fois de ma vie, j’étais saisi de cette idée que les hommes n’ont trouvé qu’un terme de comparaison à ce qui est blond : comme les blés, et l’on a cru tout dire. Les blés, malheureux, mais n’avez-vous jamais regardé les fougères ? J’ai mordu tout un an des cheveux de fougère. J’ai connu des cheveux de résine, des cheveux de topaze, des cheveux d’hystérie. Blond comme l’hystérie, blond comme le ciel, blond comme la fatigue, blond comme le baiser. Sur la palette des blondeurs, je mettrai l’élégance des automobiles, l’odeur des sainfoins, le silence des matinées, les perplexités de l’attente, les ravages des frôlements. Qu’il est blond le bruit de la pluie, qu’il est blond le chant des miroirs ! Du parfum des gants au cri de la chouette, des battements du cœur de l’assassin à la flamme-fleur des cytises, de la morsure à la chanson, que de blondeurs, que de paupières : blondeur des toits, blondeurs des vents, blondeur des tables ou des palmes, il y a des jours entiers de blondeur, des grands magasins de Blond, des galeries pour le désir, des arsenaux de poudre d’orangeade. Blond partout : je m’abandonne à ce pitchpin des sens, à ce concept de la blondeur qui n’est pas la couleur même, mais une sorte d’esprit de couleur, tout marié aux accents de l’amour. Du blanc au rouge par le jaune, le blond ne livre pas son mystère. Le blond ressemble au balbutiement de la volupté, aux pirateries des lèvres, aux frémissements des eaux limpides. Le blond échappe à ce qui le définit, par une sorte de chemin capricieux où je rencontre les fleurs et les coquillages. C’est une espèce de reflet de la femme sur les pierres, une ombre paradoxale des caresses dans l’air, un souffle de défaite de la raison. Blonds comme le règne de l’étreinte, les cheveux se dissolvaient donc dans la boutique du passage, et moi je me laissais mourir depuis un quart d’heure environ.”

Par Foucauld

(Photo Sam Levin)

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