Gaston et Gustave

Thursday, February 16, 2012

« À vingt-cinq ans, le personnage fantasque et rabelaisien est déjà un vieux garçon, goûtant la conversation de vieillards. »

On dirait une description de votre serviteur, sauf qu’il s’agit de Flaubert, le maître d’Olivier Frébourg… Au premier abord, le sujet de Gaston et Gustave, son dernier livre, semble propice à l’ouverture des vannes lacrymales : sa femme accouche prématurément de jumeaux dont l’un est dans les limbes et l’autre doit se démener pour ne pas oublier de respirer. Mais le livre a deux cœurs : celui de Gaston, le jumeau vivant, et celui de Flaubert. Le premier à bien du mal à battre sans aide, et le second ne bat plus que par procuration de son œuvre. La littérature est-elle compatible avec la vie de famille ? Olivier Frébourg ne peut choisir. Alors son cœur décide de battre plus fort, pour que vivent les deux.
Ces temps-ci, lorsque j’étais saoul, je me suis surpris à dire à des filles ou à des types auprès de qui je faisais le malin, que la littérature était le seul combat qui finissait par m’intéresser. Un combat ? Quel combat ? Nous verrons s’il sera toujours à l’ordre du jour où le patachon se trouvera amoureux, avec des envies de quitter Paris pour créer son nid quelque part. Peut-on aimer, écrire, voyager et travailler entre deux becquées ? « Les hommes mettent un peu de leur âme dans beaucoup de choses, et c’est pourquoi il y a tant de beauté dans le monde, de cette beauté inutile qui est au-dessus de la vie. » écrit Chardonne dans ses Destinées Sentimentales. On dit qu’aller dans le sens de la beauté c’est aller vers Dieu. Si c’est le cas, pourquoi serait-elle inutile ? Et puis Dieu doit apprécier les courageux de la plume qui savent aussi changer les couches.
J’avais ouvert Gaston et Gustave pour quelques pages, acte récurent des séances de coucher, mais ne l’ai refermé qu’après le point final. Frénésie de lecture puis insomnie totale, de celles qui vous tiennent éveillé jusqu’à la sonnerie matinale. Toute la nuit, je conservais une lueur d’espoir. « Ne te relève pas pour te mettre à ton bureau, tu es peut-être sur le point de t’endormir… » me disait une petite voix. Mais à 6h45 il fallut se rendre à l’évidence, c’était raté : ni sommeil, ni feuillets noircis. Le bal de la semaine commençait.
Alors que je remontais la rue du Louvre, j’ai vu un homme bien mis dormir debout contre un panneau lumineux. Était-ce pour avoir chaud en attendant le bus ? Par refus du lundi ? Ou peut-être qu’il s’agissait d’un écrivain-père de famille… Ah Paris, cauchemar paisible à qui il restait une petite heure de répit.

Gaston et Gustave d’Olivier Frébourg, le Mercure de France.

Par Foucauld

(Photo : Lauren Bacall par John Engstead)

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