Allumer le jour

Wednesday, November 13, 2013

eddy-merckx

Dans le Bois de Boulogne, la nuit couve encore les avenues qui mènent à l’hippodrome. Matinales, les voitures de police contrôlent déjà les automobilistes en excès de vitesse. Elles ont délaissé les camionnettes des travelos, rentrés se coucher après une nuit à se les geler en collants. Les miens ne sont pas résilles, mais plutôt renforcés d’une peau de chamois, car je me rends au « Morning Ride » organisé par Rapha, le prestigieux équipementier cycliste.
Il est 7h30 lorsque Gildas et moi débouchons sur « l’anneau » dans une bruine hostile. Nous commençons à tourner à la recherche du café promis par la marque, mais il n’y a personne. Ni cycliste, ni représentant. Alors que nous amorçons le second tour, nous croisons Julien des Street Pistard en sens inverse. Il est comme nous, sans info. Le problème de Longchamp, c’est qu’en tournant à allure identique autour d’un même axe, on a de fortes chances de ne jamais croiser les autres. Le soleil a rendez-vous avec la lune… mais les deux se posent un lapin. Heureusement, les courageux finissent par se retrouver, et un break s’arrête à nos côtés. En descendent trois personnes du staff Rapha, dont un cycliste et sa monture. Pas de café pour nous sortir des brumes du sommeil, il faut d’abord le mériter ! Le peloton s’élance en file indienne. Le rythme est rapidement imprimé et la casaque solitaire du Street Pistard est notre ligne de mire. Sortie de virage, relance à quarante-cinq kilomètres heure, et l’escadrille passe en double file, dans le crépitement des roues libres. Nous pourrions appeler cela la « formation discussion », puisque chacun en profite pour faire connaissance, ou se reluquer la bécane comme dans une convention de motard. Il y a des tours concentrés, et d’autres où la relâche permet de s’abreuver, avant que les fourmis dans les jambes de certains ne les poussent à l’échappée solitaire. Au bout d’une heure, nous voyons le break revenir, mais d’un commun accord nous poursuivons l’entraînement, dans le sillage humide de nos roues surgonflées. La boue constelle nos visages, nos chaussures à semelles de carbone ne sont plus que des bassines où nos orteils transis macèrent. Et dire que d’habitude nous ne sommes pas encore levés à cette heure… L’appel du café devient insoutenable. C’en est assez. Clic. Clic. Les pédales se déclipsent. Nous descendons de selle et nous ruons sur les gobelets, nous gavons de viennoiseries avec la sensation du travail bien fait. Les discussions sont chaleureuses, elles se prolongent, comme avec Thibaut d’A fish on a bike que son Tour de France en solitaire n’est pas parvenu à dégouter du vélo. Mais telles des cendrillons diurnes, nous devons nous précipiter si nous ne voulons pas que notre virée ne se mue en retard. La crevaison est la citrouille du cycliste. Nous regagnons nos pénates où nous attendent nos panoplies civilisées. Nos coups de pédale ont allumé le jour.

Par Foucauld

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