Steve “5boro” Rodriguez
Wednesday, August 5, 2009Les voyages sont faits de rencontres souvent furtives. Curieusement, ce sont elles qui marquent le plus les esprits. New York est une ville réputée pour ne jamais dormir et, soucieux de m’intégrer au plus vite, je me suis astreint au régime suivant : sortie la nuit, skateboard le jour. Mal en point, je cruisais sous le cagnard entre les bagnoles, attrapais un ice coffea au deli du coin puis traînais jusqu’au soir au petit skatepark sous le Manhattan Bridge. En bon membre fondateur du crew GKS (pour Gens Ki Suent), je tentais de freiner par pauses régulières les 40’s de malt liquor que mes pores évacuaient à grosses gouttes au fur et à mesure que les tricks s’enchaînaient. Lors d’une de ces pauses, j’essayais de comprendre ce qui se passait autour de moi, sur les gradins. Un grand type musculeux en short et t-shirt noir parlait avec des gamins qui devaient lui arriver aux genoux. Au milieu, un petit tondu en marcel s’acharnait sous les encouragements de l’aîné hilare. C’est là que ce dernier vit ma board neuve. Une 5boro rose, flanquée d’une prostituée naïve et racketée par deux gamines. « I love dat shit ! This board is DOPE ! » Je remerciais puis entamais la discussion. Monsieur n’était autre que Steve Rodriguez, le créateur de la marque. Il partit deux minutes et revint avec la même planche que moi. « The deli over there sells our boards » « really ? That’s crazy man ! You can’t imagine a thing like that in France ! ». Steve promit ladite board au gamin s’il mettait fakie heel flip. Suant, crotté, il parvint à ses fins et le gain marqua le plus beau jour de sa vie sous les regards envieux de ses potes.
Quelques jours plus tard, nous nous revîmes aux Brooklyn Banks, le spot mythique qu’il a sauvé de la destruction. Steve vint me baragouiner un « comment ça va » avant de rosser les piliers du pont à coup de wallrides à mille à l’heure ! Le même après-midi, je le retrouvais de nouveau au Manhattan Bridge. Il apprenait à deux gosses de maximum cinq ans les rudiments du ollie. Le reconnaissant, quelques gamins plus âgés vinrent lui demander des autographes et des stickers, sur le cul de rencontrer quelqu’un « des magazines » en vrai. Cataclysme d’incompréhension dans la tête des deux petits. « Comment ? Que se passe-il ? C’est quelqu’un de connu ? Mais pourquoi ? C’est pas juste un grand sympa qui nous aide ? » Mais Steve est déjà ailleurs, dans les hauteurs d’un transfert sur la pyramide ou riant avec ses troupes de 5boro.
Vu le prix du matériel, le skateboard français est un sport de bourgeois et j’ai toujours ri lorsque je lisais dans une interview que le skate avait sauvé tel ou tel gosse de la débauche et des bêtises adolescentes. Jusqu’à ce second séjour New Yorkais. Dans cette ville où la drogue est omniprésente, les blunts de weed flambent à toute heure sur les spots. Même l’alcool est considéré comme une drogue. Du coup, les gamins boivent pour se défoncer et non pas pour le goût ou la convivialité comme nous le faisons dans l’hexagone. Planquées dans des sacs poubelles, leur consommation de tize leur donne des airs de sniffeurs de colle. Les parents sont absents, certains sombrent sous les regards noirs de leurs amis : « Ya shouldn't drink dat shit bro ! Go skate man ! ». Par sa sympathie, sa constante motivation et le modèle qu’il représente peut-être malgré lui, Steve permet de désamorcer ce genre de descente à la Harold Hunter.
Quelques heures avant mon avion, je parvins à trouver la board de mes rêves chez KCDC. La « Cinqo Barrios » dessinée par Grotesk pour… 5boro. Une rencontre furtive, de bons produits indépendants, des visuels soignés… me voilà propageant la bonne paroles de la Vierge de Guadalupe et de son fils chéri, Steve Rodriguez, roi des Five Borough de la Grosse Pomme.
Par Foucauld
Juste trop bon … J’aurais jamais du arreter le skate au lycee, c’est ce que je me dis en te lisant
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