Dans nos manuels d’Allemand (ou d’Anglais, ou d’Espagnol), il y avait toujours des petites bandes dessinées un peu nazes où de jeunes protagonistes présentaient les clichés de chaque côté du Rhin (ou de la Manche, ou des Pyrénées). Les Allemands avaient Nina Hagen et nous avions Brigitte Bardot. Nous ne savions pas tellement qui elle était, n’ayant jamais vu ses films ou ses photos, mais elle avait le pouvoir de faire saliver les pères de nos correspondants. Ils nous en parlaient la larme à l’œil et la bière à la main, devant un plat de charcuterie ou de tranches de fromage sans goût qui nous coupait l’appétit. En mettant fin à sa carrière, avant que ses ridules deviennent autre chose que le charme d’une certaine maturité, Brigitte Bardot est devenue un mythe capable de séduire toutes les générations. Lorsque les polissons de son époque découvraient avec joie un nouveau poster à punaiser sur les murs de leurs chambres de bonne, on imagine sans peine les rêves humides qui en découlaient. Les moins fortunés devaient faire de même avec les photos issues d’une presse people naissante et agrémenter ainsi leur casier d’usine ou le dortoir du régiment. Pour que notre génération ne soit pas en reste, la galerie James Hyman de Londres présente 75 clichés de l’icône, pris par des paparazzis de l’époque. Découvrez-les sur le site, et retrouvez la ferveur de ceux qui n’avaient le choix qu’entre le bordel de campagne ou le mariage pour apercevoir ces deux petites fossettes qui creusent le bas du dos, de chaque côté de l’échine…
Peut-être qu'il y aura de ça, quand nous serons vieux… Nous combattrons les rhumatismes de nos phalanges gonflées en nous affairant contre des sacs de frappe, avant d'achever nos rotules sur des jersey barrier. Si nous tombons, pourvu que ce soit contre les poitrines, même tombantes, de filles optimistes qui nous tiendront encore un peu la main.
J'ai toujours su qu'il n'y avait pas de contre-indications à la pratique du skateboard en col roulé de cashmere, trench coat et lunettes de soleil… Les mauvaises langues sont prévenues !
1966 / 2010, rien n'a changé…
Rouli-roulant, à quinze ans, dans le vent Adieu les croulants, les agents. L'amour et les chansons, C'est si bon, cheveux longs…
Quelques hauteurs féminines tentent d'atténuer mon stress à grand renfort de vidéos conceptuelles. C'est charmant. Je conserve une préférence pour la blonde vers 1min20, la surimpression de son visage par dessus son corps, le contraste tunique/fesses/boots…
Les leçons de code enseignent que la chaussée est davantage glissante en début qu'en fin de pluie car l'averse rince l'asphalte de sa poussière. C'est une mise en garde utile aux automobilistes, mais je suis piéton dans l'âme. A mes yeux, cette flotte venue d'on ne sait où colle les impuretés aux accrocs du bitume et salope le chemin d'akènes, dont les poils humides viennent s'immisser dans les trépointes de mes boots. Tant-pis pour la marche, je n'ai plus qu'à enfourcher une bicylette, saisir les joies du dérapage. Baisse la tête, t'auras l'air d'un coureur ! Riche idée. Ainsi, je verrais par dessus mes lunettes qui ne disposent pas encore d'essuie-glasses.
"Being a kid in France, in the parisian suburb, in the 80's, means like if you don't like soccer, and I don't, or, you know, any of thoose like team sport, you're like a little bit fucked !"
En voyant ce gamin en pyjama déhambuler entre les carcasses flaboyantes de ce qui devaient être des Vauxhall, je me dis que ma jeunesse fut bien morne. Pour ceux qui aiment vraiment La Conjuration, la série de Ross McDonnell fait écho aux images de James Horan. On en retiendra une chose : les banlieues de Dublin sont peuplés de gens sérieux dans ce qu'ils font.
- "Et en plus tu emploies le mot "chouille" comme les bretons et les mecs en école d'ingénieur à Lille ; tu devais être vraiment saoul ! Au moins ton alcoolisme est plus sincère que celui de Jean Dujardin dont le cancer est bien propret."
Malgré quelques dialogues de qualité, Le Bruit des glaçons n'est pas très tapageur ; on y boit un vin bien trop clairet pour qu'il en résulte une vraie tumeur, que l'écrivain hurle de douleur… En revanche, j'ai eu le plaisir d'y découvrir "A thousand kisses deep" de Leonard Cohen. Dont post.
« Oui, cela pourrait commencer ainsi, ici, comme ça, d’une manière un peu lourde et lente, dans cet endroit neutre qui est à tous et à personne, où les gens se croisent presque sans se voir, où la vie de l’immeuble se répercute, lointaine et régulière. »
La première fois que j’ai emmené un non-initié à une projection de vidéo de skateboard, mon camarade Tigre de Papier me dit que cela lui procurait un effet similaire à celui que je connaîtrais face à un florilège des buts de Ligue 1 : un bâillement prolongé. Si vous vous moquez du skateboard, l’article suivant vous ennuiera. Vous voilà prévenu. Jeudi soir avait lieu l’avant-première de la Stay Gold. Ce nom, digne d’être tatoué sur des phalanges, est celui de la nouvelle vidéo Emerica, la première depuis sept ans. Malgré ma chance de posséder l’un des rares sésames, j’ai une demi-heure de retard lorsque je franchis les portes de l’Escurial. Mon bienfaiteur Samir Krim m’ouvre, puis referme. Derrière-lui, Heath Kirchart contrôle son agoraphobie légendaire en demeurant sous un néon. J’entre dans la salle. Jerry Hsu y joue l’élève jemenfoutiste en squattant au dernier rang, tandis que mes amis fayotent au premier. Je les rejoins et l’écran commence à grésiller. Accompagné d’un compte à rebours de deux minutes, le sigle Stay Gold apparaît progressivement. La foule hurle, siffle, tape des pieds, lance quelques private jokes sur les mères de certains et finit par applaudir. La part de Kirchart fait office de prélude, sorte de rétrospective, d’adieu à la scène copieusement salué par l’assemblée. Après la présentation de la team, place à Brandon Westgate. The Boss dit de lui « Brandon is the new thing… that’s the way people are supposed to skate ». Et en effet, il est à mes yeux le seul de la vidéo à avoir repoussé les limites du skateboard. Pour ce qui est du style, c’est davantage Bryan Herman qui m’impressionne. La première partie de sa part est uniquement constituée de lignes en flat et par dessus des tables à pique-nique. Sept années de maturité l’ont bonifié comme un grand Bordeaux, bien que les goûts de l’animal penchent davantage pour la weed et les 40oz de malt liquor. Spanky fait du skateboard à la mode sur des spots qui pourraient être anglais, alors qu’Aaron Suski ne donne pas spécialement envie d’acheter les produits de son sponsor, mais plutôt d’aller skater, ce qui est on ne peut plus sincère ! Grég soutient que Braydon Szafranski a la meilleure part. Je ne sais pas, j’aurais besoin de la revoir ; et puis il y avait Jerry Hsu qui se faisait mal, Jamie Tancowny qui gappait des trucs inouïs, Léo Romero qui remontait des handrails, the Boss qui redéfinissait son titre… Le problème de chroniquer après un unique visionnage est que cela oblige à se fonder sur ses premières impressions. Lorsqu’on attend une vidéo comme le messie, on est souvent déçu par ses favoris dont on a traqué la moindre photo sur Internet ; on devient davantage réceptif aux autres qui ont dû mériter leur places, se dépasser. L’habillage est davantage celui d’une « This is Skateboarding 2 » qu’une réelle innovation. On retrouve ces accélérés automobiles et les surimpressions de portraits en poses lentes, à la différence près que les piliers de notre adolescence sont relégués au générique. Signe des temps ? J’ai davantage de plaisir en suivant la vie de tous ces types sur le net qu’en visionnant leur œuvre de ces dernières années. Tout le monde traîne et discute à la sortie, remarquant à peine que Kirchart, Romero et Westgate sont assis par terre, contre le mur, les jambes étendues. Je manque de me prendre les pieds dans les santiags de Romero et le Foucauld de 15 ans refait surface. Je leur demande un autographe, comme pour m’excuser de ne rien avoir à leur dire, puis m’en vais, gêné. Pour Grég et moi, cette vidéo est celle du coup de vieux. Plus tard, nous étions à l’after du Bottle Shop. « Je propose une minute de silence pour regarder Kirchart vivre » dit Grég, en renversant sa pinte. Mais l’agoraphobe n’a cure de notre idolâtrie et semble mettre de côté son handicap social pour se laisse draguer par une groupie. Nous quittons l’établissement au moment où un barman arrose Braydon Szafranski de mauvais mousseux. Dans l’axe de la salve, je suis trempé. Le tir a débordé sur le mauvais destinataire. Il est grand temps d’accomplir et de mériter.
Rapport à un magazine particulier, un ami me raconte l'histoire de cette "rue des branleurs", ensemble mythique d'allées des beaux quartiers où des couples se garent pour faire leurs farces, sous les yeux humides d'observateurs haletants. Cela me fait penser à la série The Park de Kohei Yoshiyuki. Au début des années 70, l'intrépide nippon jouait à cache-cache avec des détachements de jeunes adultes qui s'adonnaient à touche-pipi dans les recoins des parcs de la capitale.
On se retrouve devant des binômes en plein débat, entourés de petits malins rampants qui osent parfois glisser leurs doigts dans le jeu. A la manière des Dragons du 13ème RDP, Yoshiyuki rampe, roule, amadoue et grâce à son matériel infrarouge récolte des images que l'on peut voir en ce moment à la TATE modern.
Un certain journaliste parisien m’a dit de La Conjuration qu’elle lui rappelait Russ Meyer. Ignorant mais de mon siècle, j’ai tapé le patronyme en question, et Wikipédia combla mes lacunes. Il s’agissait de l’auteur de Super Vixens, film déjanté sur lequel j’étais tombé une nuit, en Bretagne. Partie se coucher seule avec ses seins, la maîtresse de maison m’avait abandonné à ma frustration. Je zappais sans conviction, terminant la vodka, ne gardant au réveil qu’un souvenir flou de montagnes arides, de stations essences et de poitrines libérées, bercées de distorsion. J’ai poursuivi mon enquête et fini par dégotter un coffret de 18 DVD à prix dérisoire. La caméra de celui qui rêvait de découvrir ce qu’il y avait sous les jupes des filles joue à plonger et contre plonger dans un univers complètement barré. S’y trouvent des éléments aussi réjouissants qu’un Nazillon à la retraite pratiquant l’amazone dans un cercueil, une femme au foyer tentant de contrarier le goût de son époux pour la porte de derrière, un aviateur cocufié jusqu’à la moelle par la police montée, une obèse afro-américaine consommant ses employés, ou encore une franco-suédoise (50-50 where it counts) expliquant son amour du nudisme et du rock n’roll sous la cascade d’un réservoir. Si l’on dit d’un long nez qu’il permet à son propriétaire de fumer sous la douche, les seins de ces égéries doivent permettre de tenir un orage au sec. Est-ce celui de notre monde sage et policé ? Puisque le moral de la rentrée est au beau fixe, gardons pour plus tard les 12 DVD qu’il me reste à mirer….
Enfin, foutre le camp. Exil quasi complet où j'exclurai jusqu’au moindre transistor. Dédaigner tout vêtement, se sustenter de melons et de caillettes, les faire glisser au Château La Canorgue… Mon cerveau n’aura plus à faire l’effort de rêver, le coma dans lequel le plongera le marc local avortera toute insomnie.
Dernier sursaut avant fermeture des stores : réécouter l’admirable « Présence Humaine » album de Houellebecq enregistré avec A.S Dragon, en attendant « La carte et le territoire », son nouveau roman qui sortira en septembre ; un mois encore lointain…
"Une femme, quand elle est jeune, est plus sensible au plaisir d’inspirer des passions, qu’à celui d’en prendre : ce qu’elle appelle tendresse, n’est le plus souvent qu’un goût vif, qui la détermine plus promptement que l’amour même, l’amuse pendant quelque temps, et s’éteint sans qu’elle le sente, ou le regrette : le mérite de s’attacher un amant pour toujours, ne vaut pas à ses yeux celui d’en enchaîner plusieurs."
« Mais écrire ne rend personne heureux ! (…) Nous formons tous avec la littérature de ces couples passionnés et mal assortis où chacun, conscient de ne pouvoir vivre ni avec ni sans l’autre, se résigne à traîner son boulet. Un écrivain, c’est quelqu’un à qui écrire est indispensable, mais très désagréable… »