Mantes-la-Jolie

Sunday, May 24, 2009

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Certains sortent pour boire un verre, débiter des âneries entre acolytes ou épouser pour un soir une cible plus ou moins honorable. Rien de tout ça ne nous animait, il m’est donc impossible d’expliquer ce qui nous fit s’engouffrer à cinq dans une Golf Cabriolet (et décapotée) en direction de la campagne voisine de Mantes-la-Jolie. Tassés, nous prions Saint Christophe de nous préserver du fossé tout en imaginant ce qui nous attendait. « Mec, j’suis sûr que ce sera ambiance chicha ! » « Putain j’vois trop l’truc. Les mecs qui ont foutu leur copine en cloque mais qui ont décidé de sortir quand même. Roulage de pet’ dans un salon au sol carrelé et à une heure du mat’ retour en Seat. » « On va encore arriver comme des couilles dans le potage. J’sens qu’on va se faire péter la gueule ». Pour l’heure, le vent martyrise ce qui figurera ma calvitie d’ici peu tandis qu’une enseigne Matmut clignote de verdure au milieu du néant. Au bout d’une heure, nous sommes perdus. Seules âmes sur une place de village, un panonceau nous indique que nous sommes à Vert. Vert ? Vert où ? Vert nulle part ? Une voiture arrive, nous la suivons et nous retrouvons dans une ruelle où sont parquées ses semblables. La réalité est allée encore plus loin que nos imaginations. Des types rodent en hoodies Children Of Bodom. Les treillis sont à la mode par ici, les clous sur les visières aussi. Nous pénétrons dans une maison où l’excès de tissu est certain. Quand Paris étouffe ses pores en jeans slims, nos nouveaux compagnons de soirée ont l’intelligence de les laisser respirer en sarouels. Je vois biens quelques chemises à carreaux mais l’important n’est pas dans le quadrillage. Ces messieurs font abstraction du carreau au profit du support. Une chemise est décrétée chic, son motif est accessoire. Les dreadlocks sont à l’honneur. De tailles et de mises variables, certaines sont ficelées, d’autres laissées libres. Il en existe même des solitaires que l’on laisse courir le long de l’échine alors que le reste du chef est rasé. Les propriétaires des lieux exposent. Récupérations peinturlurées, illustrations douteuses, les invités leur préfèrent le jardin. Je vois même un type embrasser les plantes. Déboussolés, nous stagnons mutiques autour d’une table. Nous n’avons qu’un rythme, celui de nos bras qui hissent à nos lèvres le liquide grossièrement distillé par William Lawson. Une jolie métisse me fait regretter le Nord qui coule dans mes veines, surtout quand elle est assaillie par une bande de saltimbanques saboulés korrigans. Le crincrin grince, les manches des guitares sont en érection, l’ensemble sonne manouche. La belle sourit et c’est le violon qui l’emporte. Les autres trompent leur déception en masturbant leurs instruments. La farandole est en marche. Jouvenceaux et jouvencelles pleurent en chanson. Quand Paris agite les bras en rythme, ici ce sont les jambes qui se lèvent pour danser. Les plus timides grimpent aux arbres pour voir sans être vu. Je m’écarte pour éviter une Birkenstock qui tombe du faîte. Saint Christophe veille sur nous, il enjoint notre chauffeur de ne pas boire pour éviter les tête-à-queue. Du coup ce dernier s’ennuie et veut rentrer. Back to the décapo. Nous flirtons avec le blasphème en entonnant des chants pieux entrecoupés de rasades de whisky. Nous ne sommes pas beaux à voir mais les âmes restent belles, le Petit Jésus saura faire la part des choses. Ainsi fut-il de Mantes-la-Jojo !

Par Foucauld



Dimitri on 05/24/09

Texte parfait. Tellement bon qu’on voudrait que t’en fasses une nouvelle.
“Back to the décapo” ? Incroyable. Ca sonne quasiment comme un slogan publicitaire !

Gregoire on 05/24/09

n’est aucun doute sur le departement!

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