Monday, November 26, 2012
L’horloge du Conseil d’État brille d’un blanc de lune. La petite aiguille pointe le chiffre cinq et mon taxi file. Plus loin, les baraques du marché de Noël des Champs-Élysées me donnent des pulsions pyromanes comme celles de Betty dans 37°2. Brouillard. Depuis le hublot, des bâtiments au ras des pâquerettes ont des airs de petit Manhattan. Décollage. Lecture. Ces dernières lignes du Dans Ma Bouche de François Simon :
« C’est curieux le désert tout de même. On doit pouvoir y marcher longtemps, la bouche veule, jamais satisfaite. Jusqu’à plus soif. »
Par Foucauld
(Photo : Mitch Payne)
Littérature § Voyages
Wednesday, April 18, 2012
Confidence pour confidence, Berlin fut l’antichambre de La Conjuration, et de Passion. Cinq ans, une nuit blanche et un avion attrapé au (tout) petit matin plus tard, retour aux sources. Attablé devant un solide petit-déjeuner, j’écris des choses chiantes comme du Hemingway, puis, titubant de fatigue, je pousse jusqu’au Mauerpark pour m’acheter un vélo. Vingt euros refilés à des junkies pressés et c’est officiel : je ne prendrai pas le métro, mais cruiserai « à 20 à l’heure comme dans les rues de Crenshaw ». Partir seul c’est conserver la santé mentale ; l’espoir existe dans les rencontres. Voilà qu’une normalienne m’enseigne quelques pas de breakdance au bistro du coin, que ces messieurs de Civilist me notent des adresses de librairies pour accueillir le second numéro de Passion. Les gueules de bois sont plus douces lorsqu’on voit des arbres et la Fernsehturm du canapé que l’on squatte contre un peu de littérature. Peut-on rêver plus élégante monnaie d’échange ?
Par Foucauld
Voyages
Thursday, September 1, 2011
Le Super Kamiokande est un cylindre de 40 x 40 mètres, rempli de 50.000 tonnes d'eau pure, ceinturé de grosse boules de verres, creusé au fond d'une montage japonaise Un observatoire de neutrinos, ou la plus belle piscine du monde.
Par Arnaud
Art § Voyages
Monday, August 29, 2011
Punta della Dogana, je contemple la vue à côté de « Pothead » de Paul McCarthy. Derrière la vitre, je me sens aussi con que cette tête de bite. Je suis las des critiques du monde par le biais de l’art contemporain. Un monde qui « continue, sans gêne, sans embarras, dans un univers un peu plus brutal, un peu plus condamné où la moyenne des vertus et des vices doit être restée à peu près constante. »
Près de l’Accademia, un graffiti-verrue : « New Times. New Blood. » Comme Morand, toujours, j’en viens presque à regretter un monde où « chacun portait encore l’habit de sa profession : les pédérastes restaient exclusivement pour hommes, sans faire des extras du côté des dames âgées ; les Blancs étaient moins noirs que les Noirs, les vieilles rôtisseuses de balai, célèbres pour leurs faiblesses, ne publiaient pas des mémoires édifiants, les prêtres ne ressemblaient pas à des pasteurs protestants, les étudiants en sociologie ne se déguisaient pas en bergers kurdes, et les bergers kurdes en parachutistes. » « Jamais l’expression actuelle « être mal dans peau » ne se traduit mieux que par nos travestis contemporains. » dit le génial écrivain.
Alors je retourne à l’immuable, dans les ruelles bordées de murs d’aquarelle. Aux fenêtres, des dessous fleuris et des chemises d’uniforme, cinq, comme les jours travaillés de la semaine. Une mère engueule son rejeton : « viens voir, c’est plus intéressant que d’faire de bêtises ! » Un autre graffiti : « Books and Boobs ». Je souris face à cette encre Posca. Notre monde est tout de même amusant…
Par Foucauld
Art § Littérature § Voyages
Friday, August 26, 2011
« Je reste insensible au ridicule d’écrire sur Venise (…) » C’est presque par ces mots que Paul Morand débute son livre. Je ne peux que les lui emprunter.
À peine le premier pont franchi, deux femmes, ces tirades :
- Où est-ce qu’on a d’ja vu ça ?
- Florence ?
- Ouai, mais même, dans un autre pays ?
Pour ma part, je n’avais jamais vu ça. Nulle part. De Venise, je m’attendais au carton-pâte, et j’ai été conquis.
Place Zanipolo, je n’écris pas sur ce qui m’entoure, les touristes qui passent mais que je ne vois même pas. Dire que j’ignorais que cette ville n’avait jamais été envahie pas les autos…
Les Toscani « ont cet avantage de faire le vide autour de moi, j’en apprécie le tabac, et la prévenance » aurait pu chanter Gainsbourg. Toscano, cigare racine, comme un gamin fume des lianes. Je ne vois plus que ce que je désire voir. La Valpolicella est là pour convertir les plus récalcitrants. Les obsédés de la santé n’ont qu’à se contenter de l’eau des canaux.
Au Palazzo Grassi, un petit français visite l’exposition derrière un masque de carnaval ; il se fait gronder par la gardienne et doit l’ôter. Paul Morand poursuit : « A Venise, ma minime personne a pris sa première leçon de planète, au sortir de classes où elle n’avait rien appris. L’école ne me fut qu’un long ennui, aggravé de blâmes, mérités ; (…) »
Par Foucauld
(Photo : Jill Kennington par Patrick Lichfield)
Littérature § Voyages
Thursday, August 25, 2011
Puisqu’il faut faire vivre les libraires, je suis les conseils de la réclame et m’arrête chez Itinéraires, du côté Halles de la rue Saint Honoré. Venise doit arriver. J’ai déjà dit mon rapport au voyage, cette race à laquelle j’appartiens, qui prend les trains en marche, patati et patata… De guide à ouvrir, il ne sera pas question de Routard. Je connaîtrai des Venises plurielles, comme Paul Morand. Après avoir acquis cet ouvrage, j’entreprends un Paris presque touristique, comme pour m’en emplir, avec la ferveur des derniers jours, des dernières emplettes avant départ.
Des touristes sont en tenue de sport. Marche-t-on réellement davantage à l’étranger que dans sa propre ville ?
Je continue jusque la Madeleine et Ladurée. « Des gens qui font la queue, tout ça pour des macarongs… mais le magasin il est beau ! » dit un monsieur au téléphone et en short, ou en short au téléphone ? Demi-tour. Penhaligon’s, une vendeuse me tatoue les poignets de patchouli.
Devant la librairie Delamain, je ne peux résister aux bacs. Mes doigts font défiler les ouvrages d’occasion. Pourtant, j’y ai déjà fait le plein hier midi. Ce sera Colette, « Prison et Paradis ». Ne l’avais-je déjà en Pléiades ? Qu’importe, je glisse deux euros dans la caisse ; les gens jettent des pièces dans les fontaines en espérant que leurs vœux soient exaucés, je peux bien me jeter dans les hasards de la littérature, qui plus est féminine ! Nous sommes d’ailleurs Place Colette, le Némours me tend les bras. Un Deliciosos de Davidoff, acquit à la Civette, n’attend que d’être circoncis et fumé ! La lumière a déjà des clartés d’automne : c’est qu’il est vraiment temps de quitter ce Paris à l’été avorté !
Par Foucauld
(Photo : Anita Ekberg par Phil Stern, via)
Littérature § Voyages
Tuesday, August 23, 2011
Cloué à Paris, je vis le soleil par procuration, via l’Afrique du Sud. Mais un soleil noir comme disait l’autre, un truc sombre et collant, une plongée dans les livres de Roger Ballen et une balade avec Die Antwoord, à la recherche du Tokoloshe, un nain maléfique, polymorphe mais toujours velu, qui scelle les femmes par le viol et court tout nu dans les rues.
Par Arnaud
Photographie § Religion § Voyages
Monday, February 1, 2010
Je n'ai jamais su profiter de l'ivresse qui précède les voyages. J'appartiens à une race d’hommes qui attrape les trains en marche et ne prépare pas ses périples ; si jamais je possède un plan, je ne l'ouvre que lorsque l'avion amorce sa descente ou que le train entre en gare.
Prendre l'Eurostar c'est comme passer au pédiluve avant d'entrer dans le grand bain. Plus qu'on ne se débarrasse de ses microbes, on s'acclimate. Même cela je ne sais pas le faire, comme si un invisible imperméable me protégeait de la douche.
Je n’entre dans les gares que suant sous mes cashmeres, portant ma valise dont je ne supporte pas la lenteur des roulettes, remontant mes lunettes qui glissent sur mon nez, tout en agrippant passeport et billet.
Je n’ai pas le temps d’apprécier la qualité des réclames Comme Des Garçons Shirt, inexistantes à Paris. L’embarquement de l’Eurostar est l’antichambre de la suprématie anglaise en matière de goûts vestimentaires.
Une fois dans le train, mon entourage est davantage constitué d’anglais rentrant au bercail que de français tapageurs, heureux d’aller se faire péter la ruche dans quelques Ministry of Sound. Leur langue m’isole et me permet de courir par écrit après cette excitation que je n’ai pas connue en prenant le temps. Je me souviens et griffonne :
Je suis allé à Londres une fois. J’étais boutonneux, perdu dans une veste de treillis trop grande et les pieds humides dans des Converses éventrées. J’écoutais les Libertines dans un discman Philips et j’étais puceau d’infini. Une masse informe et molle qui croyait se protéger à coups de certitudes. Un monceau de bêtise noyé dans un excès de sébum. Puisse Her Majesty the Queen me laisser une nouvelle chance avec ce périple…
Par Foucauld
(Photo : Cat Power par Jason Nocito)
Voyages