Un piano ça se prépare. Pour Volker Bertelmann, alias Hauschka, ça se pimp. Sans état d’âme, il rajoute des lanières de cuirs, des cordes de guitares, il enroule les marteaux dans de fines lamelles d’aluminium, balance des capsules de bouteille au milieu du tout, bref, malmène l’instrument saint. Loin des virtuoses, Hauschka déroule un jeu minimaliste, à la structure proche de la musique électronique, tendance Traum. Il tente, fait ses expériences et en sort un son qui rappelle les "Piano Phase" de Steve Reich, ou, dans une moindre mesure, le "All my friends" de LCD Soundsystem (ok, pas tant que ça mais j’avais envie de la mettre parce qu’elle est affolante). Ça crépite, ça tapote, ça secoue, irrite parfois, mais on se laisse prendre et lorsqu’il verse dans la balade, avec The Afterlife of Things notamment, on se demande pourquoi on a raté son concert à Paris, en octobre dernier.
Je voulais vous filer des vieux trucs de Joakim, le pianiste fondateur de Tigersushi, producteur foutraque et inspiré, qui, pour passer le temps, remixe les gens qui le mérite (les meilleurs étant concentrés ici). Logiquement je suis allé me balader chez lui et ma perquisition m’a permis de rencontrer Desmonds and the Tutus. Les quatre de Pretoria, qui tire leur nom d’un pasteur noir prix Nobel de la paix, composent une musique gentille, entendue et, parfois, ennuyeuse. Sauf que (sinon aucun intérêt à écrire ici) une perle s’est faufilée là dedans. "Kiss you on the cheek", c’est un peu le sourire de cette fille que vous aimiez tellement en 4ème, ça dégouline de gloss framboise, ça risque de vous emmerder dans un mois mais, là, ce soir, on sourit et on se dit que les soli d’harmonica peuvent avoir du bon.
Senor Coconut, l’homme aux mille pseudonymes, l’hydre des congas, Uwe Schmidt pour les autorités, n’a aucune actualité digne de ce nom. Cependant, le diktat du blog me pousse à fouiller, à renverser, à foutre le bordel dans mes disques pour arranger un peu notre matinée. Et comment la mettre à côté
? Le seigneur noix de coco ne faillit jamais, il vise juste. Il travestit de vieux classiques electro-pop en suaves sections cha-cha-cha-mambo-merengue et fait remuer avec élégance, tout en retenue et en petits pas. Marier une mélodie allemande aux rythmiques brésiliennes, y rajouter des chanteurs argentin, ramener trois inventeurs japonais pour l’aider derrière les machines; sa visite de Body Language fleurte avec le génie.
Il pleut en ce mardi après-midi. J’ai allumé un petit corona de Por Laranaga que je fume en contemplant les gouttes qui se rassemblent sur la balustrade vermoulue de ma chambre, avant de choir dans la gouttière. Paris est comme ce module. Inégal. Excellent ou décevant. Jamais tiède. Je pense à Gainsbourg 2008 que je dois aller voir. J’appréhende. Serge Gainsbourg fait partie intégrante de ma vie, comme Booba. Il ne se passe pas un jour sans que je pense à lui. La perspective d’une expo sur sa personne me donne l’impression qu’une part de moi a été résumée en quelques installations. Déroutant, non ? J’ai peur que tout cela ait un aspect vieillot. Un mélange de photos illustratives et de déjà-vu. Un Serge Gainsbourg historique, résumé de manière chronologique et condensé en quelques détails : une paire de Repetto, des Gitanes par milliers, quelques faits tonitruants que chacun connaît et une musique dont on parlerait comme d’une musique. Mon rapport à cet homme est complet. Des influences littéraires et artistiques, une voix, des arrangements, des textes qui rythment toutes les situations, chacune à leur tour. J’ai du mal à parler de lui. Il faudrait un livre pour cela. Serge Gainsbourg considérait la chanson comme un art mineur, qui ne nécessite aucune initiation, c’est pourquoi je souhaite vous montrer cette vidéo, badine et futile en apparence. « Les filles n’ont aucun dégoût ». Jane et Sylvie l’entourent. Les paroles et la musique sont légères. Elles le taquinent et il est là, cynique et magnifique dans son smoking cintré. La vidéo est joyeuse mais sa désinvolture est aussi légère que la fumée qu’il exhale : un souffle et elle s’envole pour laisser place à sa sensibilité.
La marque de t-shirt Druks Paris innove en demandant à Starrset de lui réaliser cet "Anthem". C’est eurodance et hip hop à la fois, ça swingue, ça donne envie de se faire tracter en longboard par une Buick pimpée et ça se télécharge ici.
Ce soir, je dépose les armes aux pieds de la maladie. Exit la période de franche ignorance, où je me faisais dorloter par les petites et où j’avais une explication toute prête à mes cernes et à mon teint pâle. Cette fois j’arrête les jeux interdits et les demi-mesures, je ne fais plus semblant; on ne sort pas et on se couche. Sous la couette, à défaut d’une habile maîtresse, je me retrouve devant l’écran de mon mac. N’ouvrez pas les yeux si grands. Vous n’y êtes pas.
Je me rends chez mon disquaire virtuel préféré et fouille. Rien. Je sors et poursuis mon excursion à grands coups de liens hypertextes bien sentis. Au bout de quelques minutes, j’apprends que je suis complètement passé à côté de la sortie du troisième album de Brazilian Girls, que j’avais découvert à l’époque de "Don’t stop". Je corrige le tir en vitesse et branche mon casque pour écouter leur nouvel opus: New York City. Sans surprise je me répète que cette équipe reste bien l’un des meilleurs groupes de NYC (MGMT, haha, non).
Une chanteuse sublime et polyglotte, un manège d’instruments rutilants comme les chromes d’une vieille DS, une section rythmique à convertir une fan de Children of Bodom. Ca pétille, c’est composé, l’ensemble se tient, vacille parfois mais se déploie sans artifice, et nous, impuissants, on fredonne jusque tard.