Pour la première fois depuis longtemps, j’ai passé une journée vertueuse. Levé dès potron-minet, j’ai bu des litres de thé vert en écrivant des pages et des pages. J’ai lu un livre de Sophie Calle, terminé du Mauriac et entamé un Weyergans. Il me reste à ingurgiter 3 des 5 fruits et légumes recommandés et cette journée aura été un modèle du genre. Le net aussi et bon élève. Rien de tapageur. De la vérification et de l’aperçu. C’est sans surprise mais la qualité reste au rendez-vous. Tout d’abord, quelques photos du vernissage de l’expo d’Ed Templeton dont je vous parlais dimanche. Elles confirment le talent dans le temps de cet artiste fantastique. (Via The Art Collectors)
Ensuite, un aperçu de la collection Printemps-Eté 09 d’A.P.C. (Via Hypebeast) Rien de plus, rien de moins de ce que tout le monde attend d’eux.
Oublie ta carcasse italienne hors de prix, pleine de rouille et, finalement, si commune. A la place, imagine la scène: toi et tes potes, en bande, en train de dévaler les champs elysées, perchés sur ces machines: Black Rebel Motorcycle Club pour ceux qui n’ont jamais eu le temps de s’occuper de leur permis. 50 centimètre cube d’élégance, un enchevêtrement racé de chromes, d’acier et de cuir, le tout supporté par deux jolis pneus blancs; une bécane d’enfer je vous dis. La bête s’adapte: tu pédales, tu mets le moteur, tu pédales avec le moteur: les cadres exécutifs de Solex râlent et pleurnichent. Et puis, pas besoin de seconde selle, ta nana prendra le taxi ou s’en offrira une. Au fait, Derringer Cycles fournit La Famille Royale: toi aussi, tu peux devenir le croisement du Prince Harry et de Marlon Brando.
Deux découvertes prometteuses en ce lundi. La première chez Redingote qui présente les Niseko, des sneakers Lacoste prévues pour Janvier 2009. Sobres, chic mais innovantes. Il me tarde de les jauger de visu. La seconde sur le blog de Sarah Colette chez Arkitip qui montre la couverture alléchante d’un fanzine appelé "Paris, la". Impossible d’en savoir plus sur le net, il va falloir que j’aille vérifier ça sur place.
« Les enfants s’ennuient le dimanche » chantait Charles Trenet. Bien que j’ai vingt-deux ans, je dois en être un car je m’ennuie férocement.
En knickerbockers ou en robes blanches, Le dimanche, les enfants s’ennuient.
Si l’on veut réactualiser ces vers, remplaçons knickerbockers et robes blanches par les Vans Fixed Gear Era qui sont plus commode que les jupettes pour rider son trackbike… (Le détail : le logo Vans à l’arrière remplacé par deux chaînes entrecroisées).
Gamins et gamines Sont plus tristes que maman ne croit.
La mienne me trouve plus fatigué que triste : « tu t’es couché à quelle heure ? » « Tôt. À deux heures seulement… » « Ça doit être les autres soirs alors ! Fais attention à ta santé… » Il y en a un qui n’a pas dû beaucoup dormir ces derniers temps, c’est Ed Templeton ! Il expose 250 œuvres récentes à la Galerie Roberts & Tilton. Les traits sont plus marqués qu’avant, plus ronds, les arrières plans épurés. Je ne sais pas si j’aime autant que ses œuvres précédentes ; il faudrait voir l’ensemble pour juger. Ou se contenter du livre. (Via Highsnobiety)
Vienne vienne
La semaine,
Lundi mardi jeudi,
Car la rue est toujours pleine
De lumière et de bruit !
Deux choses à mirer impérativement en ce début de semaine : 1/ Le nouveau numéro du magazine en ligne « Hell’s Kitchen ». On y trouve des tas de choses élégantes comme un article sur les Nike Tn « rekins », un autre sur les Puces de Clignancourt (lieux pittoresque où d’après Alpha 5.20 « tous les jours on fait dix millions »), un portfolio de Dimitri Coste et un papier sur les bandes de jeunes et autres blousons noirs.
2/ Un article édifiant sur Viceland, concernant l’art de la punch-line dans le rap français post 95 (un domaine cher à la Conjuration). Un avant-goût ? Cette délicate création de III des X-Men :
Mon rap choque comme une nonne qui fume le crack à Vincennes, Tatouée, sapée très sex, bafouée pour 20 cents. Un défilé de cinq Benz avec rien que des noirs, Ou un nain homo qui danse le pogo avec dix skins.
"There are some guys that are a bit more subtle in their fan-dom, though
no less enthusiastic when you ask them if they’re down for the Muska. I’m one of those guys now."
Un beau soir de Juillet, j’ai suivi par hasard un pote aux dix ans d’un studio de création dans le quartier de Chelsea à New York. Je m’attendais à un truc de trentenaires bobo, plutôt chiants et équilibrés façon sushi/série/APC. L’anniversaire aseptisé s’est avéré être une sauterie du tonnerre avec pompes à bières, énormes barbecues, concerts de hardcore, taureau mécanique et surtout, une rampe de skate que saignaient une bande de tatoués. Alors que je faisais la queue pour avoir un burger, mon regard fut attiré par une curieuse silhouette qui envoyait des backside air sur la rampe. Je laissais échapper un « oh putain… » suraigu, devint livide et dit à mon pote : « mec ! sur la rampe, là ! c’est… c’est… c’est… Chad Muska ! ». Si vous êtes insensible au monde du skateboard, imaginez un fan de foot qui croiserait Zidane en train de faire des jongles, pour le plaisir, dans la teuf d’un pote… Violent, non ? Lorsque j’ai commencé le skate à l’age de 14 ans, tous les gamins voulaient ressembler à Chad Muska. Casquette « flex-fit » rouge portée à l’envers, nous faisions nos premiers 50-50 sur les trottoirs de la banlieue ouest, en rêvant qu’un jour nous les enverrions sur des rails de 20 marches à L.A, au son du ghetto blaster de Chad. Il nous féliciterait en gueulant des « Duuuuude ! That shit was fuckin’ awesome ! » avant de nous faire un check et de nous emmener draguer des meufs en Dickies, aux poitrines gonflées par le désir de vivre. Plus tard, Muska fut décrié. Trop people, il baisait Paris Hilton et s’essayait à la drum n’bass. Mes potes aussi se mirent à la musique. Ils fumaient des joints en gratouillant des horreurs reggae et je les quittais pour courir les rues de la capitale. Le truc c’est qu’avec le skate, on en est jamais tout à fait débarrassé. C’est dans les gênes et on y revient tôt ou tard, même inconsciemment. Regardez le nombre de kids en jeans slims, casquette New Era et grosse sneakers… Pof ! C’est dû à Chad Muska ! Même Lil’ Wayne porte des Muska Skytop… Je vous invite à lire ce merveilleux article d’Adam Salo sur le site d’EXPN. Il explique tout ce là bien mieux que moi, en revenant aux sources et en comparant le Muska de chez Toy Machine et celui de chez Supra. Il y aussi cette vidéo…
En cette fête de la Toussaint, j’ai eu le privilège de déguster un Petrus 1992 après un Givry 1988. Mon premier Petrus. Bien que je n’ai jamais conduit, le seul élément de comparaison que j’ai pour qualifier ce « vin » serait le moteur d’une Rolls Royce. Puissant, présent et réglé comme de la haute horlogerie. Lorsque l’on dispose d’une telle machine, on n’atteint le bonheur qu’avec ce bruit de moteur et on souffre lorsqu’il faut arrêter ce ronronnement mâtiné de rugissement. Longueur en bouche extraordinaire, emprise totale sur les sens. Taisez-vous, Petrus s’exprime. Certes, mais la jeunesse est incorrigible. Il faut que la vie pétarade et toute aventure est bonne à prendre. C’est pourquoi je me suis aventuré en direction de Jouy-en-Josas avec deux bon camarades : Ali (et ses trois lettres) et Nicolas. Ce dernier nous avait fait l’honneur de se nipper en ce qui rappelle un conducteur de train corail dans les années 80 : cravate Ted Lapidus en tricot, jacquard de grosses mailles colorées, veste prince de Galle éculée et derbies en skaï. Nous avons rendez-vous dans une maison cise entre deux bois aux noms inquiétants : le Bois de l’Homme Mort et le Bois du Loup Pendu. C’est le lapin Playboy qui nous ouvre sa porte et nous met à l’abri. La soirée fut à la fois classique et sympathique mais je vous épargnerai le descriptif . Pourquoi ? Je préfère sauter sur l’occasion pour vous refourguer quelques infos. Dans la plupart des sauteries réussies, on passe des classiques musicaux. Nirvana en fait partie. Puisque en bon natifs des années 80 nous ne nous sommes jamais remis de ce groupe, il faut courir à la Galerie Chappe où Charles Peterson expose ses portraits de Kurt Cobain jusqu’au premier décembre.
Plus jeune et coloré, Pharell Williams squatte les boums sous plusieurs formes, que ce soit avec Snoop Dog ou Justin. Cela me fait penser à la ligne de bijoux lancée par Ambush et ses potes des Teriyaki Boyz. Des bagues et colliers à l’effigie de Bethoveen. Foutre que c’est élégant !
Autre élément récurant des guinches de l’an 2008 : les filles ne peuvent s’empêcher de mettre des chemises à carreaux. Une mode que la goguenarde Elise J. titille brillamment dans sa critique du clip de « My Delirium » de Ladyhawke.
De fil en aiguille, la nuit touche à sa fin, nous rappelant à son bon souvenir avec deux flaques gerbes dans la gare de Versailles Chantier. J’ai failli glisser dans ces immondices en courant chercher un croissant de la première fournée dominicale.
Lorsque j’arrive dans le ghetto parental, il est neuf heure du matin. Je remonte l’avenue et, chose improbable, je tombe sur un oncle éloigné, tétant sa clope en pyjama. Nous nous serons la main. « Tu es bien matinal. » « Oui, je fume ma clope » « Et bien moi je rentre de soirée » « Bonne nuit ». Allez savoir pourquoi, l’absurde de cette situation me rappelle « le dernier repas » de Jacques Brel :
Une amitié indéfectible est souvent liée à un lieu particulier. C’est en pèlerinage de la naissance de l’une d’elle (et pas des moindres !) que je me suis rendu à Noirmoutier pour trois jours d’excès. La maison de mon pote est l’ancien bordel de l’île. Cela induit une vaste pièce centrale d’où partent une multitudes de chambres. Comme nous n’avions pas de femmes à lutiner dans les pièces adjacentes, nous sommes restés au centre pour fumer le cigare, jouer au billard et ripailler avec ardeur. Un olibrius germanopratin a écrit que la fermeture des maisons de tolérance a désorienté la concupiscence des jeunes bourgeois. Mmm… peut-être. En tout cas nous ne le montrions pas lorsque nous écoutions Live Foul de Mobb Deep. Il faut dire que nous étions occupés : entre un exposé sur la manière de trafiquer le pot de sa Harley Davidson et la cuisson des filets mignons au bleu, nos esprits alcoolisés laissaient peu de place à la bagatelle. Quand nous étions trop saoul, nous enfilions des cirés trop grands ou trop étriqués et courions dans les flaques en hurlant « La Mer » de Charles Trenet. Parfois, nous grimpions sur un rocher pour déclamer des poèmes de Benoit Poolevorde dans « C’est arrivé près de chez vous », avant de redescendre en riant grassement.
Ces virées de courtes durées n’étaient que prétexte à mériter un nouveau cigare ou un nouveau gueuleton. A la fin, ce régime « sport » sanctionna un membre du crew par une crise de foie carabinée. Comme nous n’avions pas de Coca Cola pour le soigner, nous lui avons administré des prises régulières de bière allemande. Ce n’était peut-être pas l’idéal mais au moins il y avait des bulles. Sur le trajet du retour, je repensais au clip de Hoes Get Down des High Powered Boys (Surkin & Bobmo) et je me dis qu’il y a vraiment différentes façons de vivre sa jeunesse.
Hier, La Conjuration quittait le 75011 (n’ai aucun doute sur l’département !) pour une tour du XIIIe arrondissement. Elle était invitée à une sauterie au concept délicieusement régressif : ces dames étaient chargées d’apporter pitance, pendant que ces messieurs s’occupaient des boissons frelatées. Un brin féministe, les gerces refusèrent de se plier à la consigne et arrivèrent les mains vides (alors que les mâles avaient joué le jeu). Du coup, nous dûmes faire la quête pour vider le rayon pizza du Monop’ d’en bas. Passons ces détails administratifs et concentrons nous sur le lieu. Décoré de beige, l’appartement abrite des bibliothèques dont les rayonnages regorgent de livres, avec une prédominance pour ceux de la NRF. Leurs couvertures rappellent les tons de la moquette et la qualité de leurs titres rend ce voisinage délicieux. Ajoutez à cela une collection de vinyles du tonnerre et l’alchimie devient parfaite. Des inédits de Stevie Wonder rythmèrent nos premières discussions. Nous évoquâmes le projet de chroniquer les différents kebabs de Berlin-Est tandis qu’Arnaud se réjouissait d’avoir retrouvé un chandail de sport d’hiver à motif de rennes. Comme j’ennuyais mes camarades en leur parlant de la typo Banco déformée du logo de Trasher, ils me resservirent de bordeaux et nous embrayâmes sur Samuel Benchetrit. Certains l’encensaient pour son dernier film, d’autres souhaitaient sa mort. Nous convînmes qu’il serait drôle de créer un prix à son nom puis nous déversâmes notre fiel sur une pizza au thon. L’un des secret de l’appartement réside dans les chiottes : une collection complète et triée par date du magazine Elle. Que peut-on rêver de mieux comme littérature de trône ? L’emmerdant des soirées du mardi, ce sont les obligations du lendemain. À cause de ces putes, j’ai dû quitter cette maison du bonheur sur le coup de deux heures. Dans la cahute du Noctilien, j’attends le passage du bus qui me ramènera au bled. C’est fou comme Paris peut être insensible Place d’Italie, avec ses pavés où se pressent des voitures qui n’en sont pas. On voudrait de la vie et des voitures qu’on envie, des 404 ou des 203, des bolides Aston Martin ou ne serait-ce qu’une 2CV. Que voulez-vous que je fasse d’un balai de Twingo ? Le bus arrive et je note cette phrase. Je n’aurais pas dû quitter la maison du bonheur.
Les professeurs perdirent définitivement leurs élèves le jour où le wifi fit tomber les portes de l’amphithéâtre. Plus aucun sujet d’étude ne put rivaliser avec la flânerie hypertextuelle. La fin d’un monde de pieuse écoute et de diligente attention. Place à la mitraille des emails et des sites de socialisation. Tac Tac Tac "hey mec, mate ça !" Tac Tac Tac "c’est fou, il faisait déjà ça en 1983 ! ". Les stoïciens tombent comme des mouches, Azincourt devient un cinéaste Slovaque et Bush Tetras remplace la Bande à Baader. Massacre à l’html. Parfois, votre indic’ ne prend même pas la peine de quelques mots d’introduction et vous balance son lien comme un colis piégé.
Ce matin, un court billet m’introduit auprès de Noah Kalina. Certains le connaissent peut-être, c’était le type qui s’est pris en photos tous les jours pendant 6 ans (vous me direz, ils sont une petite armée à avoir joué à ça). Laissons de côté ses délires égotiques, sans intérêt, si ce n’est de s’assurer que son teint reste bien blême et ses yeux cernés. Allons voir ses photos. On clique et on se balade, un nombre incalculable de photos entre les yeux. C’est disparate, la lumière travaillée, les modèles choisis avec goût et à chaque fois que j’écris que telle ou telle série ne mérite pas votre précieuse attention, je tombe sur une pépite qui me fait tout effacer. (sauf la rubrique "Self portraits" ,ennuyeuse donc, à la trappe). Faites comme moi, prenez dix minutes à votre interlocuteur, faites un tour chez Noah et fouillez bien les coins.
Comme, connecté, on ne peut pas rester tranquille plus de dix minutes, j’apprends que Daniel Askill sera exposé à la galerie Bannwarth du 21 octobre au 30 novembre. Je ne connaissais le garçon ni d’Eve ni d’Adam, je ne vous ferais donc pas l’offense d’en parler doctement et de simuler une large culture vidéo. De manière épidermique, la réalisation est superbe, parfaite synergie images-sons, une ambiance est crée, on y est. Le sens, je verrais ça demain.