L’instinct
Monday, September 29, 2008Ce week-end, des questions juridiques m’ont conduit à revenir dans le Nord, sur les terres de mes ancêtres. L’une des choses que je préfère lorsque j’y retourne est de prendre le train express régional qui va de Lille Flandres à Armentières. Les corons y sont comme des notes dont la voie ferroviaire serait la portée, leurs différences de tons s’exprimant à l’aide de subtiles nuances de briques et de tuiles. Arrivé à destination, je fus accueilli par un magret de canard titillé par un inouï Volnay-Santenot 1990 aux accords de cerises. Il fut suivi d’une excellente tarte aux pommes. Ce tableau idyllique fut malheureusement gâché par la déraison qui m’a conduit à le compléter de force gaufres à la cassonade. Mon estomac criant grâce, je dus l’emmener prendre l’air dans le centre ville, me perdant dans les rues où habitaient mes aïeux. Comme ils le firent en leur temps, demain j’irai à l’ouverture de la chasse à Beaucamps-Ligny.
Levé dès potron-minet, j’ai rejoint la troupe. Ma dernière ouverture remonte à mes 8 ans. J’ai changé mais pas l’air de famille des chasseurs. Celui des fusils à canons juxtaposés non plus. À dix heures pétantes, nous nous séparâmes en trois groupes. Deux partaient pour battre la plaine. Le mien restait en lisière de forêt pour cueillir le gibier rabattu. Le brouillard était tellement dense qu’il en devint éblouissant. Une compagnie de perdreaux daigna s’envoler au-dessus de nous. Mon voisin fit feu et je retrouvai immédiatement l’entêtante et jouissive odeur de la poudre. Les chiens devinrent fous. L’instinct.
Nous fîmes encore quelques battues, passant d’un bois à un champs de betteraves, d’un verger à une vaste étendue de plaine. Le déjeuner nous offrit du melon, des filets mignons et des galettes de pomme de terre, le tout arrosé de bières Saint Omer. Le banquet allait des plus âgés à gauche, aux plus jeunes à droite. Une véritable frise chronologique familiale.
L’après-midi fut chaude. Les Barbours laissèrent place à des gilets. Alors que nous fouillions une plantation de peupliers sur toute sa longueur, un lièvre détala. Les chiens se ruèrent à sa poursuite si vite qu’ils l’attrapèrent avant même qu’un chasseur puisse faire feu. Toujours l’instinct.
À 18 heures j’ai repris un train pour aller voir Jacques Verges au Théâtre de la Madeleine. Après avoir contribué à faire tomber les têtes du gibier, j’ai écouté celui qui a tenté d’en sauver d’autres, de la potence cette fois-ci.
Par Foucauld
(Photo : Amy Stein)
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