Calais sauce caramel
Sunday, November 2, 2008(Photo : Matthew Porter)
Sur le parking de la plage de Calais, la bise cinglait mon osseuse silhouette et semblait vouloir me réduire en miette en ce dernier jour d’octobre. Devant moi, les masses noires et immuables de mes grands-parents me précédaient. Les éléments n’ont aucune emprise sur eux. Normal, ils foncent droit vers leur habitude : le Sybillin. Ce restaurant est l’un des trois à bénéficier d’une vue sur mer dans cette partie de la ville. Accueillis par les vigoureuses poignées de mains des tenanciers, nous grimpâmes quelques marches avant de tressaillir sous l’injonction ch’ti et forte en décibel de la serveuse : « B‘jour eu’msieur, dames ! Vous désirez ? » J’ose un camembert frit sur lit de salade en entrée d’une alliance de filets de rouget et de merlan. Nous patientons en subissant l’aigre assaut de moules au vinaigre, servi en vérine. Dieu merci, le camembert daigna arriver. Mmm… Il manque de caractère, la salade est fade et mal assaisonnée mais correct quand on a faim. Mon grand-père attend la suite en regardant le bal des ferries reliant Douvres à Calais. Je me concentre sur celui des auto tunées et des cars d’anglais obèses. Il me rejoint dans cette contemplation. Moins silencieux, il commente : « Regarde un peu c’qui arrive en bleu ! Un monument ! Comme dirait l’curé : des bras comme des cuisses, des cuisses comme des troncs, des troncs comme des bœufs ! Et dire qu’ils cherchent un restaurant pour en ingurgiter encore plus ! »
Le plat arrive. Sans artifices mais bon élève, le rouget vient bousculer l’uniformité du merlan. Quelques pommes vapeurs, un peu de choux fleur, une sauce à l’oseille. Simple, copieux et fin à la fois. Adjugé.
Les anglais sont venus s’asseoir à la table d’à côté. Incorrigible, mon grand-père surenchérit : « Tu comprends c’qu’ils braient ? Non. T’as raison, vaut mieux pas ! »
Il est une chose qui devrait se priver de traduction, c’est le pain perdu à la cassonade. Il arrive chaud et nappé de caramel. C’est là qu’est l’erreur. Ce met est ordinaire, délicieux dans sa simplicité. Pourquoi faut-il le gâcher avec une sauce caramel industrielle ? C’est souvent le problème de ces restaurants. Au lieu de rester simple mais fier comme ces terres du Pas de Calais, il faut qu’ils rajoutent quelques merdes pour se donner un genre. Un restaurant devrait rester un restaurant. Le genre ici, c’est la mer, pas les vagues remous des sauces industrielles.
En apportant l’addition, la serveuse dit de son franc parler naturel: « Me v’la ! ». Ce « me v’la » sorti du fond du cœur, c’est ce que nous attendions de votre cuisine. Pas besoin des bouches en culs de poule fardés à la truelle de votre sauce caramel.
Par Foucauld
tré bien
Bonsoir,
je commente ici car ma sensibilité penche particulièrement pour la gastronomie.
Un dimanche soir, bercée par les notes de Django Reinhardt, lumières rougeaudes et chaleur artificielle (nous remercierons les radiateurs).
J’ai consulté le blog de long en large. J’ai été étonnée de voir que les articles ne sont pas tous signés de ton nom. Je pensais que le site serait uniquement constitué de ton travail. Ca m’a un peu gêné car je ne savais pas toujours à qui attribué les mots.
L’intelligence de l’écriture m’a touché et j’ai accueillie d’un sourire satisfait l’humour sousjacent apprécié la nuit précédente en les terres de Jouy en Josas.
Je serai contente de rester en contact avec toi car nos discussions en cuisine m’ont plu et beaucoup amusé.
Voici donc mon adresse e-mail si le coeur t’en dit :
charlotteromain@hotmail.fr
(je précise que l’écriture/lecture via un écran me déplaît toujours mais mon pigeon voyageur Beranger n’a jamais retrouvé son chemin..je suis donc contrainte de m’accommoder aux nouvelles technologies)
Charlotte (l’amie de Patricia Kaas)
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