“East of the Adriatic” par Scott Bourne
Friday, June 18, 2010« Dans l’instant qui suit, je me retrouve à nouveau dans un taxi, les scènes derrière la fenêtre comme un brouillard d’alcool, une partie du paysage que semble être ma vie, des lumières qui filent dans la nuit, la bière et l’alcool coulant dans mon sang et me traînant vers ces destins étranges. »
Cette phrase est issue de «East of the Adriatic », le journal que Scott Bourne a tenu lors d’un voyage dans les Balkans et que les éditions 19/80 viennent de publier en l’agrémentant de photos prises par Bertrand Trichet et Sergej Vutuc.
Voyage et écriture ont toujours fait bon ménage. Chaque jour apporte son lot de nouveautés et le temps est limité ; deux ingrédients qui favorisent l’envie d’écrire et de concrétiser cette envie. La perfection n’est pas de mise, ce qui importe c’est d’écrire. Si c’est mauvais, tant-pis, on recommence le lendemain avec de nouvelles aventures ; et si l’ensemble n’est pas concluant, peu importe, il appartenait au voyage, what goes on tour, stays on tour. Ce dernier touche bientôt à son terme, il y en aura d’autres, on essayera une autre fois… Mais Scott Bourne n’en n’est pas à son premier périple, sa prose à eu le temps de se roder sur l’asphalte ou les cailloux des chemins buissonniers. Ses voyages sont l’imprévu même. Ils s’ébauchent sur un coup de fil et commencent dans la minute qui suit. Il n’ont pas forcement de destination. Ce sont des voyages, des vrais, pas des trajets. « Nous avons dessiné des cartes impossibles à lire sans connaître le désir d’aventure qui les a fait naître. »
Scott Bourne fascine. Il incarne quelque chose de l’Amérique à qui il a pourtant fait ses adieux. Il n’a pas vraiment de chez lui car il est chez lui partout. Grand, beau, tatoué jusqu’au cou, il impressionne jusqu’au roi des gitans qui lui offre sa femme sur son propre bateau, amarré sur quelques berges de Belgrade.
« Une petite porte nue, en métal, et dont la peinture s’effrite avec la rouille. En l’ouvrant, nous entendons à nouveau le rythme de la nuit. Un petit escalier en colimaçon nous conduit en bas, dans les caveaux où les morts dansent comme des esclaves. Sans âme, sans vêtements, la chair fraîche s’enroule autour du dance pôle, sur le battement sourd du rock and roll. Le I BRANCKA BLACK ROSE. Nous nous asseyons et fixons presque morts, les peaux fines de ces femmes, et je suis un peu excité, non pas elles, mais par les ténèbres de ce donjon. La noirceur absolue, la désolation et le désespoir des rues qui nous ont menés ici, les hommes que nous sommes, ou que nous sommes devenus en pénétrant dans de telles ténèbres. Nous ne buvons qu’une bière puis disparaissons dans un autre taxi, voyageant vers nos lits qui nous conduisent au matin. »
En Scott Bourne je reconnais le style de celui qui écrit sous l’emprise de l’alcool. Je ne parle pas du style de celui qui boit en écrivant ou boit pour être inspiré, mais de celui qui boit parce qu’il vit et qui tout à coup, par hasard, alors que ce n’étais pas prévu, est frappé par l’inspiration et la nécessité de coucher sur papier son ressenti. Il y a une certaine lourdeur dans ce type de phrase, mais tellement de sensibilité qu’on ne peut qu’être touché par ces impressions à fleurs de peau. Si l’alcool enterre les uns, il fait prendre de la hauteur aux autres, leur donnant un certain recul sur l’existence. « Cela me rend triste, mais ce n’est pas ma ville, mon histoire, ce n’est pas l’endroit où je dois me lever ou me battre pour que cela change. »
L’ouvrage est bilingue, disponible en ligne ICI et en librairie chez OFR, 7L et Spacejunk.
Par Foucauld
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