Temps de cerveau indisponible

Tuesday, January 24, 2012

Sur mon bureau – une planche assez moche posée sur deux tréteaux bancals – s’entassent livres et revues, fanzines et cahiers, carnets abîmés et… ordinateurs. L’un est un très vieil iMac que je n’utilise jamais, l’autre un assez vieux laptop qui ronfle, mais tourne encore. Je m’en veux car je reviens toujours à lui, au lieu de rester concentré sur autre chose. Ainsi, j’avais prévu de m’atteler à la rédaction d’un long acte d’accusation contre notre siècle, comme dirait ce cher Ignatius J. Reilly, mais je n’ai eu de cesse d’être aimanté par Facebook. J’y suis tombé sur Voyage au bout de Direct 8: l’émission littéraire la moins chère du monde, un article de Raphaël Breuil pour la rubrique Bibliobs du Nouvel Observateur.
Il nous est offert, à nous autres insomniaques des nuits sans fêtes, repus de pain, blasés des jeux, une nouvelle distraction, une nouvelle issue. Nous n’aurons plus à nous faire dormir avec ou sans l’aide d’une dame, à enrichir les laboratoires pharmaceutiques et à compter les moutons ou les bécassines de Chasse et Pêche… Maman n’est pas revenu nous lire une histoire, mais la télévision oui ! Chaque nuit, de 3h30 à 6h00, le patrimoine littéraire mondial [est] déversé sur un plateau hideux de 2m², mal éclairé, avec une comédienne qui rame pour venir à bout des trois heures de lecture.
La demoiselle y bute sur l’Éducation Sentimentale comme une élève de CP sur la première page de Ratus et tente de faire passer Maupassant pour Le Père Castor. Lorsqu’elle lit, on trace immanquablement un parallèle avec celui d’une actrice de film pour adulte, non pas lorsque cette dernière se retrouve à quatre pattes mais quand elle est censée jouer, encore habillée. La démarche n’est pas si différente de La Conjuration qui essaye de vous faire lire quelques pensées en vous attirant à l’aide d’une photo polissonne, mais la virulence de mon propos se trouve confirmée par divers commentaires sur la fanpage de l’émission où l’on sent que ça se tire sur la fronde chez les insomniaco-littéraires !
« Regarder ce plan fixe qui vire au glauque pendant des heures est le prix à payer pour apaiser nos angoisses d’Homme moderne tout en se cultivant. » dit Raphaël Breuil.
Pour ma part, je crois que je vais plutôt me faire une trace de vélin pur fil ou de japon impérial et attaquer l’intégrale des essais de Philippe Muray que je n’ai jamais eu le courage d’ouvrir. Je ne sais si le matin me trouvera encore éveillé, mais il me trouvera certainement moins con que la veille.

Par Foucauld

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